La marque de mouvement passe à table

Septembre 2014




Par Charlotte BAUDRY, Promotion 2013/2014



On assiste depuis quelques années à l’enregistrement de signes constitués d’un geste ou d’un mouvement, tels que le logo de la 20th Century Fox Films Corporation, à savoir l’image animée de projecteurs balayant le ciel, enregistrée aux Etats-Unis sous la marque USPTO 1.928.424. Le droit communautaire admet également ce type de marque, puisque fut notamment enregistrée une marque constituée du mouvement des portes d’une voiture s’ouvrant vers le haut en pivotant sur elles-mêmes, déposée par la société Lamborghini sous la marque communautaire n°1400092[1].
 

 
 
 
 
 
Marque communautaire n°1400092, déposée par Automibili Lamborghini
 









Avec le développement exponentiel de la communication animée, la publicité envahit toutes les sphères du quotidien : on la retrouve entre deux bandes-annonces au cinéma, au sein des jeux vidéo, diffusée sur grands écrans dans les salles d’attente des aéroports et les halls des hôtels,… On perçoit dès lors l’incroyable potentiel que peut présenter la marque de mouvement dans un tel climat de panoptisme publicitaire. En effet une représentation polysensorielle de la marque permet de renforcer son capital affectif et donc l'adhésion des consommateurs. La marque de mouvement est dynamique et permet une connexion accrue avec le public. De plus le fait qu'une marque soit en mouvement permet d'accentuer sa faculté à imprégner le subconscient de celui qui la perçoit et de laisser son empreinte au fer rouge dans la mémoire du consommateur.
 
 
Dans le domaine de la création culinaire, la marque de mouvement présente un double intérêt. Elle peut tout d’abord être utilisée dans sa fonction publicitaire évidente, par la création de marques en mouvement tels que des logos animés, des enseignes lumineuses sur la devanture des restaurants,…
On pense par exemple aux célèbres barres chocolatées Raider, devenues Twix, dont on garde en mémoire la marque de mouvement d'un index et d'un majeur qui se rejoignent deux fois. Ce mouvement est systématiquement relié à la confiserie du groupe Masterfoods dans l'inconscient collectif. Dans le même esprit, la société Kraft Foods UK Ltd. a par exemple déposé une marque de mouvement au Royaume-Uni pour du chocolat et des confiseries de chocolat[2].
 

 
 
 
 
Marque UK n°228003, déposée par KRAFT Foods UK Ltd
 




 




Mais la marque de mouvement peut également offrir une protection aux gestes particuliers mis en œuvre par le Chef lors de son travail. On sait par exemple que la fabrication de pain nécessite une phase de pétrissage, manuel ou mécanique. Les machines à pétrir souvent utilisées par les professionnels mettent un œuvre un mouvement mécanique circulaire bien particulier, visant à obtenir un résultat précis, le pétrissage ayant une grande influence sur le type de pain obtenu. Dès lors le Chef à l'origine d'un mouvement de pétrissage particulier (qu'il soit mécanique ou manuel) pourrait  légitimement vouloir s’en voir reconnaître la paternité et promouvoir son effort intellectuel ou créatif. Si ce geste ne présente pas les conditions propres au droit des brevets, mais permet au contraire de faire le lien entre le produit et le Chef qui l'emploie de manière habituelle, il pourrait être appréhendé par le droit des marques. Les mouvements susceptibles de recevoir protection et promotion au travers d’une marque de mouvement, sont pléthores en cuisine : le mouvement de brassage de la confiture s'il se distingue de l'usuel mouvement « en huit », le mouvement de découpe particulier d'une viande, celui pour le désarêtage d'un poisson,...
 
 
On constate toutefois que l’enregistrement de marques de mouvement, s'il est croissant, demeure relativement restreint. Les signes de mouvement qui existent à ce jour font rarement l'objet d'un enregistrement à titre de marque. Cela s'explique certainement par le caractère évolutif de tels signes, qui sont d'autant plus que les autres susceptibles d'évoluer dans le temps. Mais la raison principale d'une telle abstention de la part des déposants réside certainement dans l'obstacle posé par la condition de représentation graphique, telle qu'appliquée par l'OHMI lors de son examen.
 
 
A l’heure actuelle pour obtenir l’enregistrement de telles marques, il convient généralement de la représenter sous la forme de séquences d’images découpant le geste ou mouvement de la manière la plus détaillée possible. Certes l'OHMI a, à ce jour, enregistré une vingtaine de marques de mouvement. Mais ce fut souvent le résultat de multiples modifications que durent apporter les déposants à leur représentation du signe, suite aux recommandations des examinateurs.
 
 
C'est pourquoi la réforme du droit des marques communautaire, initiée par trois propositions de la Commission le 27 mars 2013, devrait impacter la marque de mouvement. En effet sa volonté est notamment de substituer à l'actuelle obligation de représentation graphique, une retranscription faite « d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer l’objet exact bénéficiant de la protection conférée au titulaire ». Ainsi dès lors qu'un signe serait perçu de manière plus optimale par une représentation autre que graphique, il pourrait faire l'objet d'une représentation de toute nature, selon les moyens techniques disponibles, dans la mesure où une telle représentation permet d'appréhender parfaitement le signe et l'objet de la protection conférée.




 
 
Dès lors pour la marque en mouvement, on pourrait envisager un dépôt sous forme de bref film ou séquence animée, enregistrée sur clé USB ou sous forme de ficher informatique totalement dématérialisé. Cependant cette suppression de l'obligation de représentation graphique matérielle ne résout pas tous les problèmes qui peuvent se poser dans le cadre de la marque de mouvement. Demeure en effet la question de la réaction des marques de mouvement à l'épreuve de la contrefaçon. Il semble en effet difficile, pour un tel signe, de prévoir les conditions optimales de veille juridique et de recherches d'antériorité, mais également la mise en œuvre de saisies ainsi que l'appréciation du risque de confusion par le juge. A l'heure actuelle, toute réponse à ces questions relève de la spéculation, c'est pourquoi il sera intéressant d'étudier le comportement de la marque de mouvement contrefaite, dans l'hypothèse d'une suppression définitive de l'obligation de représentation graphique.
 
 
[1] Marque communautaire n°1400092, cl.3, 9, 12, 14, 16, 18, 21, 24, 25, 27, 28, 35, 36, 37, 40, 41, 42
[2] Marque UK, n°228003, Kraft Foods UK Ltd

Partagez sur les réseaux sociaux

Commentaires :

Laisser un commentaire
Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier !



Créer un site
Créer un site