Les apports de la loi Consommation 2014 sur le Droit de la PI

Mai 2014

Les apports de la loi Consommation 2014 sur le Droit de la PI :
indications géographiques et nom des collectivités territoriales


Par Justine DESAUBEAU et Oriane MAURICE (Promotion 2013/2014)


La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, publiée au JO le 18 mars 2014, vise à rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et entreprises, mais aussi à rendre du pouvoir d’achat aux Français et à leur donner les moyens d’être bien informés avant de consommer.
 
Concernant la propriété industrielle, cette loi renforce la notion d’indication géographique (IG) en créant un système de protection pour les produits industriels et artisanaux d’une part, ainsi que la protection du nom des collectivités territoriales d’autre part.
 
Cette disposition est conforme au droit international, les accords ADPIC ayant déjà consacré cette notion dans son article 22.
 
La qualité, la réputation ou d’autres caractéristiques d’un produit peuvent être déterminées par son origine.
 
  1. Sur la création de nouvelles indications géographiques
 
Une IG est un signe utilisé sur un produit qui a une origine géographique précise et possédant des qualités, une notoriété ou des caractères essentiellement dus à ce lieu d’origine.
 
Avant l’adoption de la loi Consommation, il existait déjà un système de protection des indications d’origine géographique. Toutefois, seuls les produits naturels, agricoles et viticoles étaient concernés.
 
La loi Consommation souhaite protéger le savoir-faire attaché à un lieu de production en mettant en place un régime de protection similaire pour les produits manufacturés et artisanaux. Seraient ainsi concernés la dentelle de Calais, le linge basque ou encore la porcelaine de Limoges.
 
Les IG sont définies comme la dénomination d’une « zone géographique ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique », selon le nouvel article L.721-2 du Code de la Propriété Intellectuelle.
 
Conformément aux nouvelles dispositions relatives aux indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux, un organisme de défense et de gestion élabore un projet de cahier des charges. Celui-ci indique notamment le produit concerné, la zone géographique associée, les caractéristiques du produit, les processus d’élaboration, de production et de transformation. Cet organisme soumet ensuite le cahier des charges à l’homologation de l’INPI. La décision d’homologation permettra à l’organisme d’assurer la défense et la gestion du produit bénéficiant de l’IG.
 
L’atteinte à ces IG sera qualifiée d’acte de contrefaçon, couvert par les dispositions de l’article L722-1 du CPI, récemment modifié par la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon.
 
Enfin, l’article L.711-4 d) précise que les IG constitueront également des droits antérieurs, potentiels obstacles à l’adoption d’un signe en tant que marque. Il conviendra alors de tenir compte de ces droits dans le cadre des recherches d’antériorités effectuées avant le dépôt d’une marque.
 
 
  1. Sur la protection du nom des collectivités territoriales
 
En cas d’atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une indication géographique par l’enregistrement d’une marque, la seule possibilité pour les collectivités territoriales était de saisir les tribunaux, a posteriori, pour en demander la nullité.
 
Désormais, elles disposent, ainsi que les organismes de défense et de gestion des IG, d’un droit à former opposition à une demande d’enregistrement de marque.
 
Cette procédure administrative présente le double avantage de réagir plus vite et de minimiser les coûts.
 
Le nouvel article L.712-2-1 permet également,  aux collectivités de demander à l’INPI d’être automatiquement informé en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement de marque contenant leur dénomination. L’INPI assure dès lors un service de surveillance de la dénomination d’une collectivité.
 
Toutefois, les dispositions de la loi Consommation renforcent-elles réellement la protection du nom des collectivités territoriales ?
 
En effet, ces dispositions étaient très attendues par la commune de Laguiole, dans l’Aveyron, qui se dit aujourd’hui dépossédée de son nom, ce dernier ayant été déposé par un tiers à titre de marque.
 
Petit rappel des faits… Un entrepreneur du Val-de-Marne, a déposé, depuis 1993, plusieurs marques  LAGUIOLE et commercialise de la coutellerie ainsi que d’autres gammes de produits, sous ce nom, par le biais d’un réseau de licence de marques.
Depuis 1997, une bataille juridique s’est installée entre l’homme d’affaire et la commune. En 2012[1], les juges ont tranché en défaveur de la commune, estimant qu’il n’y avait pas d’atteinte au nom, à l’image et à la renommée de la commune de Laguiole.
 
En réponse, la même année, le village s’était symboliquement débaptisé, en démontant le panneau de la commune pour protester contre ce jugement.
 
Très récemment, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 4 avril 2014[2], a confirmé le jugement.

Dans son arrêt, la Cour a estimé qu’il résultait du CPI que « peuvent constituer une marque de fabrique, de commerce ou de service les noms patronymiques et géographiques ». Dès lors, la Commune de Laguiole ne démontre pas que l’usage fait de son nom serait de nature à porter atteinte aux intérêts publics ou à porter préjudice à ses administrés.
 
En conséquence, la commune est condamnée à verser 100 000 euros d’indemnité de procédure à l’ensemble des parties, le titulaire de la marque pouvant continuer d’accorder des licences à des entreprises (notamment chinoises et pakistanaises) pour commercialiser sous le nom « Laguiole » des produits d’importation.
 
Par ailleurs, les habitants de la commune ne peuvent plus utiliser le nom de leur village pour désigner des produits manufacturés sous le label « Laguiole ».
 
La commune entend continuer son combat pour récupérer son nom et a saisi le président de la République par un courrier dans lequel le Maire de Laguiole souhaite venir lui remettre symboliquement la plaque de la commune « dont les habitants ont été dessaisis ».
 
Cette solution trouve son sens si on considère que les dispositions de la loi Consommation ne sont pas rétroactives et ainsi, ne s’appliquent pas au cas Laguiole.
 
Force est de constater toutefois qu’un problème subsiste lorsqu’un tiers a déposé le nom d’une collectivité, jouit de sa notoriété et prive ainsi celle-ci d’exploiter sa propre dénomination.
 
Cette affaire est à mettre en parallèle avec celle du « Savon de Marseille », dont l’appellation n’est pas juridiquement protégée, ni réservée aux seuls savons fabriqués à Marseille.
Les revendications des savonniers de Marseille ont éclaté suite à la mise en redressement judiciaire de la plus ancienne savonnerie de Marseille, le Fer à cheval, artisan savonnier depuis 1856.
 
La loi était en effet également attendue pour ce produit de toilette suite au constat établissant que de nombreuses entreprises étrangères, de Chine et de Malaisie notamment, utilisaient le nom de « Savon de Marseille » pour désigner leurs savons, mais sans aucun rapport avec ladite ville de Marseille.
En protégeant ainsi l’appellation, ce sont également les savonneries artisanales et la réputation du Savon de Marseille qui seraient protégées.
 
Il faudra cependant attendre quelques années pour avoir du recul et apprécier s’il s’agit ou non d’une réelle avancée pour les collectivités territoriales. 
 
La protection par le droit des marques s’avère toutefois sécurisant pour les collectivités afin d’empêcher un tiers de s’approprier leur nom et ce qu’il reflète. 
 
 
[1] TGI Paris, 13 septembre 2012, 3e Chambre 4e section
[2] CA Paris, 4 avril 2014 Pôle 5 ch. 2, 4 avril 2014, RG 12/20559

 

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